Книги онлайн и без регистрации » Классика » Цветы зла - Шарль Бодлер

Цветы зла - Шарль Бодлер

Шрифт:

-
+

Интервал:

-
+

Закладка:

Сделать
1 ... 42 43 44 45 46 47 48 49 50 ... 70
Перейти на страницу:

Comme un flot grossi par la fonte

Des glaciers grondants,

Quand l'eau de ta bouche remonte

Au bord de tes dents,

Je crois boire un vin de Bohême,

Amer et vainqueur,

Un ciel liquide qui parsème

D'étoiles mon cœur!

XXIX UNE CHAROGNE

Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,

Ce beau matin d'été si doux:

Au détour d'un sentier une charogne infâme

Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,

Brûlante et suant les poisons,

Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique

Son ventre plein d'exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,

Comme afin de la cuire à point,

Et de rendre au centuple à la grande nature

Tout ce qu'ensemble elle avait joint;

Et le ciel regardait la carcasse superbe

Comme une fleur s'épanouir.

La puanteur était si forte, que sur l'herbe

Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,

D'où sortaient de noirs bataillons

De larves, qui coulaient comme un épais liquide

Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague,

Ou s'élançait en pétillant;

On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,

Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique,

Comme l'eau courante et le vent,

Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique

Agite et tourne dans son van.

Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,

Une ébauche lente à venir,

Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève

Seulement par le souvenir.

Derrière les rochers une chienne inquiète

Nous regardait d'un œil fâché,

Épiant le moment de reprendre au squelette

Le morceau qu'elle avait lâché.

— Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,

À cette horrible infection,

Étoile de mes yeux, soleil de ma nature,

Vous, mon ange et ma passion!

Oui! Telle vous serez, ô la reine des grâces,

Après les derniers sacrements

Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses,

Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté! Dites à la vermine

Qui vous mangera de baisers,

Que j'ai gardé la forme et l'essence divine

De mes amours décomposés!

XXX DE PROFUNDIS CLAMAVI

J'implore ta pitié, toi, l'unique que j'aime,

Du fond du gouffre obscur où mon cœur est tombé.

C'est un univers morne à l'horizon plombé,

Où nagent dans la nuit l'horreur et le blasphème;

Un soleil sans chaleur plane au-dessus six mois,

Et les six autres mois la nuit couvre la terre;

C'est un pays plus nu que la terre polaire;

— Ni bêtes, ni ruisseaux, ni verdure, ni bois!

Or il n'est pas d'horreur au monde qui surpasse

La froide cruauté de ce soleil de glace

Et cette immense nuit semblable au vieux chaos;

Je jalouse le sort des plus vils animaux

Qui peuvent se plonger dans un sommeil stupide,

Tant l'écheveau du temps lentement se dévide!

XXXI LE VAMPIRE

Toi qui, comme un coup de couteau,

Dans mon cœur plaintif es entrée;

Toi qui, forte comme un troupeau

De démons, vins, folle et parée,

De mon esprit humilié

Faire ton lit et ton domaine;

— Infâme à qui je suis lié

Comme le forçat à la chaîne,

Comme au jeu le joueur têtu,

Comme à la bouteille l'ivrogne,

Comme aux vermines la charogne,

— Maudite, maudite sois-tu!

J'ai prié le glaive rapide

De conquérir ma liberté,

Et j'ai dit au poison perfide

De secourir ma lâcheté.

Hélas! Le poison et le glaive

M'ont pris en dédain et m'ont dit:

"Tu n'es pas digne qu'on t'enlève

À ton esclavage maudit,

Imbécile! — de son empire

Si nos efforts te délivraient,

Tes baisers ressusciteraient

Le cadavre de ton vampire!"

XXXII

Une nuit que j'étais près d'une affreuse Juive,

Comme au long d'un cadavre un cadavre étendu,

Je me pris à songer près de ce corps vendu

À la triste beauté dont mon désir se prive.

Je me représentais sa majesté native,

Son regard de vigueur et de grâces armé,

Ses cheveux qui lui font un casque parfumé,

Et dont le souvenir pour l'amour me ravive.

Car j'eusse avec ferveur baisé ton noble corps,

Et depuis tes pieds frais jusqu'à tes noires tresses,

Déroulé le trésor des profondes caresses,

Si, quelque soir, d'un pleur obtenu sans effort

Tu pouvais seulement, ô reine des cruelles!

Obscurcir la splendeur de tes froides prunelles.

XXXIII REMORDS POSTHUME

Lorsque tu dormiras, ma belle ténébreuse,

Au fond d'un monument construit en marbre noir,

Et lorsque tu n'auras pour alcôve et manoir

Qu'un caveau pluvieux et qu'une fosse creuse;

Quand la pierre, opprimant ta poitrine peureuse

1 ... 42 43 44 45 46 47 48 49 50 ... 70
Перейти на страницу:

Комментарии
Минимальная длина комментария - 20 знаков. В коментария нецензурная лексика и оскорбления ЗАПРЕЩЕНЫ! Уважайте себя и других!
Комментариев еще нет. Хотите быть первым?